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Jean-Baptiste Dusséaux « Réalisateur »

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J’ai découvert le travail de Jean-Baptiste Dusséaux (alias JB) lors de la projection de son premier court-métrage de fiction « Ceteris Paribus» à la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques). Un huit-clos où un jeune homme explique à une amie qu’il préfère assouvir ses envies avec une prostituée, en présence de cette dernière. Ce sujet de controverse traité avec légèreté m’a poussé à en savoir plus sur le réalisateur, d’autant que « Ceteris Paribus » vient d’être sélectionné au Festival des Films du Monde de Montréal

JB, raconte-moi ton parcours …

Je devais m’inscrire à la fac de ciné à Saint-Denis (Paris 8)  juste après le bac, et le jour où je partais pour m’inscrire, je reçois une convocation d’un lycée parisien pour une prépa. J’appelle mon père pour lui expliquer que j’ai toujours voulu faire du cinéma, il y a la fac de Saint –Denis ou la prépa, qu’est-ce t’en penses ? Il m’a dit : « si tu ne vas pas tout de suite en prépa, je te casse la tête ». Du coup, je ne suis pas allé à la fac de Saint-Denis étudier le cinéma. J’ai fait mes années de prépa, puis étudié l’anthropologie à la Sorbonne, sans perdre l’idée que je voulais faire des films. J’ai fait mon mémoire sur les Amérindiens dans les bandes dessinées et les films. Pendant un an j’ai regardé des westerns. Le sujet n’était pas très sérieux, mais c’était sympa. Ensuite pour des raisons personnelles je suis parti m’exiler en Hongrie, à Budapest, après avoir appris le hongrois à Paris. J’ai habité là-bas pendant 3 ans, je n’ai pas fait grand-chose, j’ai vécu un peu la vie de bohème qui est impossible de vivre à Paris aujourd’hui. J’ai un peu bossé dans le milieu du cinoche, où j’étais assistant sur le dernier film d’un réalisateur qui s’appelle Béla Tarr (Le Cheval de Turin), et j’ai étudié la direction photo à la fac de ciné de Budapest. Je suis rentré à Paris, il y a 3 ans. Depuis, je fais des documentaires, et récemment je me suis lancé dans la fiction.

 

Ce qu’il y a d’intéressant dans tes documentaires c’est qu’on apprend autant sur le pays que le personnage politique. Pourquoi avoir choisi des personnes aussi controversées avec ton binôme (Matthieu Niango)?

Oui les documentaires ont été co-réalisés. Le premier est un film sur l’actuel président d’Afrique du Sud, « La Passion de Jacob Zuma ». C’est Matthieu qui en a eu l’idée. Il était prof en Afrique du Sud pendant six mois, juste avant que Zuma devienne le président de l’ANC, le parti majoritaire. À cette époque, absolument personne ne croyait à son élection là-bas. Il avait été accusé de viol trois ans plus tôt, avant d’être acquitté, c’était une histoire assez incroyable. Matthieu m’a appelé en me disant qu’il allait se passer quelque chose et qu’on devrait faire un film sur ça. Un vrai coup de poker de sa part, car Zuma est devenu président juste après. Deux ans plus tard, le film sur Hugo Chavez (Joyeux Noël, Hugo Chavez!), c’était mon idée. En dehors du personnage assez rocambolesque, l’homme politique et l’idéologue nous inspiraient dans le sens où c’était un des rares personnages politiques qui essayait autre chose que la social-démocratie ou le capitalisme que l’on connaît. Que ses politiques marchent ou pas, ce n’était pas réellement le problème, au moins il disait : « vos paradigmes politiques ne m’intéressent pas, je ne vais pas faire comme vous. » Il s’était pris toute la planète sur la tête, à tort ou à raison ce n’était pas ça le sujet. On a voulu analyser le bilan de cette espèce d’ovni qui a fait des choses, ou du moins qui a essayé.

Regardez la bande-annonce de  « Joyeux Noël Hugo Chavez ! « 

 

 Hugo Chavez est mort, Jacob Zuma n’est plus très populaire dans son pays, y aura-t-il une suite à ces documentaires ?

Pas du tout ! (rires)

Comment s’est faite la production de ces films ? C’était une commande des chaînes ou vous avez proposé des scripts?

Pour les deux, on a proposé des scripts avec une boîte de production à France Ô qui a été enthousiasmé et qui a co-produit les deux documentaires. Par la suite, La Chaîne Parlementaire (LCP) a repris la diffusion de Joyeux Noël, Hugo Chavez ! On est parti pendant un mois sur place pour faire chaque documentaire.

Pour Ceteris Paribus, ton personnage préfère les prostituées, car de toutes les manières les hommes payent… On va dire que ton film se place du côté des hommes. Pourquoi ce sujet ?

Quelques personnes ont trouvé mon film d’un machisme délirant, et que c’était une vision des rapports amoureux qui n’avait pas lieu d’être. Or, je trouve qu’il y a une vraie difficulté dans les rapports amoureux aujourd’hui. Je ne sais pas si c’est parce qu’on est parisiens, citadins ou qu’on a trente ans, mais même quand c’est léger, les gens ont peur de s’engager émotionnellement. Même pour se livrer, c’est dur…

Regardez la bande-annonce de  » Ceteris Paribus « 

 

 Oui, il y a du sexe et de l’argent partout …

Oui, on nous vend du cul, des belles nanas, de beaux mecs, des rapports simples. On se rencontre dans un bar, on flirte, on couche ensemble, etc. Mais au final j’ai l’impression qu’il y a une vraie peur de l’autre. On se pose toujours la question « est-ce que la nana ne va pas me faire chier ?» ou « est-ce que ce mec n’est pas un dingue ?». À partir de là, j’ai imaginé l’histoire d’un mec qui veut coucher régulièrement avec des filles et qui n’est pas intéressé par les rapports amoureux… Comment fait-il ? En faisant un très rapide calcul d’un cynisme violent, si tu le prends au premier abord, il se rend compte que c’est presque aussi cher de draguer des filles dans les boîtes ou dans les bars, qu’aller voir les putes. Après, il n’y a pas le côté séduction, qui est aussi attirant que l’acte physique pur lui-même. Mais si le but est juste de coucher, ça vaut le coup, ou ça peut valoir le coup. Bien que ce ne soit pas le même « produit de consommation ». C’est comme une branlette, mais avec quelqu’un d’autre, je pense (rires).

 

 Perso, je trouve que ton film a un bon rythme. Comment s’est passée cette première réalisation de fiction, notamment sur la direction d’acteurs ?

J’avais deux acteurs pros et une actrice amateur. J’avais déjà bien en tête les placements de caméra, même si j’ai bien été épaulé par mon chef op. Pour ce qui est de la direction d’acteurs, j’avais plus ou moins chorégraphié la petite scène de danse. Erwan Marinopoulos (l’acteur principal) a été d’une aide précieuse, du fait de sa bouteille, car il est pro depuis une dizaine d’années. Il comprenait très vite les directives que je donnais, ou que je n’arrivais pas à formuler. Ensuite, Audrey Giacomini (qui joue la jeune prostituée) a été incroyable, tout le temps raccord, c’était très agréable de bosser avec elle. Par contre, elle a très peu de texte ! (rires) j’aimerais beaucoup retravailler avec elle pour une suite. Quant à Jackie Muteba, qui joue la copine de longue date, c’était la première fois qu’elle jouait. Elle était un peu tendue sur le tournage, mais je trouve que ce sentiment renforce le côté étrange de la situation, et montre bien qu’elle est mal à l’aise.

Regardez le clip réalisé par JB

       

 

Pourquoi, Ceteris Paribus pour le titre de ton court ? Qu’est-ce que ça évoque ?

Un titre latin, ça me plaisait. Parce qu’on ne comprend pas bien ce que ça veut dire. Je suis souvent déçu par les titres de films, que je trouve sans invention, trop évidents, ou faussement énigmatiques.

Quels sont tes projets futurs ?

J’attends une réponse imminente pour un documentaire que j’ai développé avec Matthieu, dont je ne peux pas parler. Je voudrais réaliser le côté féminin de Ceteris Paribus. Je suis aussi sur l’écriture d’un autre court-métrage, et j’aimerais bien développer mon premier long-métrage de fiction dans un futur proche. En tout cas, je veux continuer à faire du documentaire en parallèle de la fiction, car c’est un travail intéressant. Et pour finir, je développe des scénarios de bandes dessinées.

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Pour suivre Jean-Baptiste Dusséaux :

 http://vimeo.com/user3412092

https://fr.linkedin.com/in/jbdusseaux 

Crédit photo : JB Dusséaux

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